Quand plusieurs pays s’immatriculent ensemble : la dual-immatriculation

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Quand plusieurs pays s’immatriculent ensemble : dual-immatriculation, véhicule transfrontalier et carte grise européenne

À l’heure où les mobilités s’internationalisent et où de nombreux automobilistes vivent ou travaillent près des frontières, une question revient souvent : peut-on immatriculer un véhicule dans deux pays à la fois ? Entre obligations fiscales, assurances, et contraintes administratives, le sujet de la dual-immatriculation (ou double immatriculation) est plus complexe qu’il n’y paraît. Cet article fait le point sur les règles actuelles, les spécificités des régions frontalières comme la France–Belgique ou la France–Suisse, et les évolutions possibles vers une carte grise européenne unifiée.

1. Qu’est-ce que la dual-immatriculation ?

La dual-immatriculation désigne la situation dans laquelle un véhicule est enregistré simultanément dans deux pays. Par exemple, un résident frontalier qui vit en France et travaille en Belgique, et souhaite utiliser son véhicule dans les deux juridictions sans changer régulièrement de plaque. En pratique, le droit européen ne permet pas une double immatriculation simultanée. Chaque véhicule ne peut être immatriculé que dans un seul pays à la fois, celui de la résidence principale du titulaire. Toutefois, certaines exceptions et aménagements existent, notamment pour :

  • Les travailleurs frontaliers (utilisation quotidienne dans deux pays voisins) ;
  • Les flottes d’entreprises internationales ou véhicules de leasing ;
  • Les véhicules diplomatiques ou de coopération transfrontalière.

2. Exemple concret : le cas France–Belgique

Un automobiliste domicilié en France, mais travaillant à Bruxelles, doit légalement immatriculer son véhicule en France, car c’est son pays de résidence. Cependant, s’il utilise le véhicule de manière prédominante en Belgique (plus de 185 jours/an sur le territoire), il est tenu de l’immatriculer en Belgique, selon le Code de la route belge. Risques :

  • Une voiture immatriculée en France mais utilisée en permanence en Belgique peut être considérée comme importée illégalement ;
  • Les amendes peuvent dépasser 500 €, avec possibilité d’immobilisation du véhicule ;
  • L’assurance peut refuser de couvrir un sinistre si le véhicule n’est pas déclaré dans le bon pays.

3. Exemple France–Suisse : une situation encore plus complexe

La Suisse n’étant pas membre de l’Union européenne, les règles douanières s’ajoutent. Un véhicule français circulant régulièrement en Suisse doit faire l’objet d’une déclaration d’importation temporaire (ou définitive si le propriétaire réside sur place). Cas typiques :

  • Un frontalier suisse travaillant en France peut conduire un véhicule immatriculé en France s’il prouve son usage professionnel régulier.
  • En revanche, un résident suisse ne peut pas utiliser au quotidien une voiture immatriculée en France sans procédure d’importation ; cela est considéré comme évasion fiscale.

En cas de contrôle, les autorités suisses peuvent saisir le véhicule et imposer :

  • Le paiement des droits de douane et de TVA (7,7 % en Suisse) ;
  • Une amende administrative pour usage illégal du véhicule étranger.

4. Quelle fiscalité et quelles assurances ?

La fiscalité automobile (taxe régionale, TVA, écotaxe, bonus/malus) dépend toujours du pays d’immatriculation. Un même véhicule n’est donc pas soumis aux mêmes règles d’un côté ou de l’autre de la frontière. Pour les travailleurs frontaliers, certaines compagnies d’assurance proposent des formules transfrontalières, couvrant les trajets réguliers entre deux pays sans double immatriculation.

5. Les véhicules d’entreprise et de leasing : une exception partielle

Dans le cas des véhicules de leasing ou d’entreprise, le titulaire de la carte grise n’est pas le conducteur mais la société propriétaire du véhicule. Si cette société est établie dans un autre pays de l’UE, le véhicule peut circuler dans un autre État membre pendant une période limitée (6 à 12 mois), sans devoir être réimmatriculé. Depuis 2021, la réglementation européenne impose néanmoins que le véhicule soit déclaré auprès des autorités fiscales locales s’il est utilisé durablement à l’étranger.

6. Vers une carte grise européenne ?

L’idée d’une carte grise européenne unique fait son chemin. La Commission européenne a déjà évoqué la création d’un registre commun d’immatriculation pour simplifier la vie des citoyens mobiles et des entreprises transfrontalières. Objectif : permettre à un véhicule d’être reconnu dans tous les États membres sans réimmatriculation systématique. Cependant, des obstacles subsistent :

  • Les différences fiscales entre pays ;
  • Les systèmes d’assurance ;
  • Les contrôles techniques non harmonisés.

Une telle réforme nécessiterait une harmonisation complète du droit automobile, encore très éloignée.

7. Quels impacts pour l’utilisateur ?

Aujourd’hui, le conducteur frontalier doit faire un choix :

  • Soit immatriculer son véhicule dans son pays de résidence principale ;
  • Soit déclarer l’usage à l’étranger pour éviter toute infraction douanière ou fiscale.

Les autorités deviennent de plus en plus vigilantes : contrôles aux frontières, interconnexion des bases de données d’immatriculation, partage d’informations entre assurances.

Bon à savoir : une simple carte grise mal adaptée à votre situation transfrontalière peut entraîner des amendes importantes, voire la confiscation du véhicule.