C’est acté ! Le 8 juin 2022, le Parlement européen a voté en faveur de la réduction à zéro des émissions de CO2 des véhicules neufs à compter de 2035. Conséquence principale : l’interdiction pour les constructeurs de vendre des voitures essence et diesel. Une mesure ambitieuse et positive, mais qui pose de nombreuses questions.
La neutralité climatique : l’objectif pour 2050
Le 8 juin dernier, le Parlement européen a approuvé le paquet de réformes intitulé « Ajustement à l’objectif 55 pour 2030 », présenté en juillet 2021. Par 339 voix pour et 249 contre, les eurodéputés ont exprimé leur soutien à la proposition de la commission dont l'objectif est d'atteindre une mobilité routière nulle en émissions de CO2 d'ici 2035. Pour cela, le texte dresse un programme en 3 étapes :
- réduire les émissions de CO2 de 55 % par rapport à 1990 ;
- réduire à zéro les émissions de CO2 des véhicules neufs à partir de 2035 ;
- atteindre la neutralité climatique en 2050, comme le veut le Pacte vert pour l'Europe (Green Deal).
Comme le souligne Jan Huitema, le rapporteur du texte, cette « révision ambitieuse des normes d'émission de CO2 constitue un élément essentiel pour atteindre nos objectifs climatiques. Avec ces normes, nous apportons de la clarté pour l'industrie automobile et stimulons l'innovation et les investissements pour les constructeurs automobiles » (1). Il faut dire que le temps presse : dans le cadre du Pacte vert, l'Europe souhaite en effet être le tout premier continent à atteindre la neutralité climatique. Or, la révolution du transport est indispensable pour atteindre cet objectif, dans la mesure où le secteur représente un quart des émissions de gaz à effet de serre sur le Vieux Continent (2).
L’obligation de produire des véhicules zéro émission
Parmi les différentes mesures adoptées, un objectif anime tout le secteur automobile : l’atteinte d’un niveau zéro d’émissions à l’horizon 2035. En d’autres termes, le texte interdit tout simplement la vente de véhicules thermiques d’ici 13 ans. Cette disposition va donc avoir de nombreuses conséquences :
- l'interdiction de commercialiser des véhicules neufs thermiques (essence et diesel) : cela concerne les voitures et camionnettes de moins de 3,5 tonnes ;
- l'abandon des technologies thermiques alternatives au tout-essence et diesel : l'hybride, l'hybride rechargeable, le Superéthanol E85 et le GPL ;
- l'obligation de produire uniquement des véhicules zéro émission, fonctionnant de facto uniquement à l'électricité, à l'hydrogène ou avec une combinaison des deux.
Ce coup de pouce en faveur du marché des voitures propres n’est toutefois pas la seule mesure adoptée. Le texte prévoit également de :
- supprimer le mécanisme d'incitation à l’achat pour les véhicules à faibles émissions et zéro émission, celui-ci n'ayant pas atteint les objectifs fixés ;
- réduire progressivement le plafond pour l'éco-innovation : il passera de 7 grammes de CO2/km, à 5 grammes en 2025, 4 grammes en 2027 et 2 grammes en 2035 ;
- créer une nouvelle méthode pour calculer les émissions de CO2 tout au long du cycle de vie des véhicules et plus uniquement à l'usage.
Une mesure à l'étude par les pays de l'Union européenne
Bien que la réforme ait été adoptée par les eurodéputés, son application est encore source en suspens. En effet, le texte doit servir de base de négociation au Parlement européen auprès des États membres : autrement dit, les pays ont encore leur mot à dire sur la mise en œuvre de cette mesure.
Le 28 juin prochain, les dispositions prises seront ainsi étudiées à l'occasion du Conseil européen de l'environnement par les chefs d'État des 27 pays de l'Union européenne. Ce rendez-vous sera l'occasion de connaître la position de chaque pays sur l'interdiction des véhicules thermiques.
Quoi qu'il en soit, ces différentes mesures auront d'importantes conséquences sur le Vieux Continent, mais aussi dans le reste du monde. Pourquoi ? Tout simplement car les constructeurs étrangers devront se conformer au futur cadre réglementaire pour accéder au marché européen : ils ne pourront donc commercialiser que des véhicules électriques et hydrogène aux consommateurs de l'Union européenne.
Des premières exemptions pour les voitures de luxe
Alors que le texte doit encore être entériné par les gouvernements de chaque pays pour entrer en vigueur, il prévoit déjà des exceptions. C'est d'ailleurs l'amendement n° 121 qui fait le plus parler : il exempte les constructeurs produisant entre 1 000 et 10 000 voitures neuves par an et ceux commercialisant entre 1 000 et 22 000 utilitaires légers.
Conséquence : les marques de luxe pourront continuer à vendre des voitures thermiques après 2035 si le texte est appliqué en l'état. Cela pourrait donc concerner un certain nombre de constructeurs commercialisant moins de 10 000 véhicules chaque année, tels que :
- Alpine (bien que la marque souhaite passer au tout-électrique) ;
- Aston Martin ;
- Lamborghini ;
- McLaren ;
- ou encore Rolls-Royce
Une interdiction source d’interrogations
Bien que les intentions du Parlement européen soient louables, l'interdiction si rapide des véhicules thermiques soulève de nombreuses questions et incertitudes.
- La recharge : l'Union européenne, et la France en particulier, manquent encore cruellement de stations de recharge publiques. On en dénombrait 57 732 au sein de l'Hexagone en avril 2022 (3), alors que le gouvernement avait fixé l'objectif de 100 000 à la fin 2021. Un parc loin d’être suffisant pour alimenter tous les futurs véhicules électriques.
- Les matières premières : avec l’explosion attendue des immatriculations de voitures électriques, la filière extrayant et transformant les matériaux nécessaires à la production de batteries doit également se réinventer. La question est de savoir si le secteur est en mesure de réduire le coût financier et écologique de ces opérations. La disponibilité à long terme de ces matières (cobalt, nickel, lithium, etc.) est aussi source d’interrogations car des tensions sont déjà attendues.
- Les énergies alternatives : bien qu’il ne l’exprime pas ouvertement, le texte va uniquement permettre de vendre des véhicules électriques et hydrogène, seules technologies zéro émission à l’heure actuelle. Cela va entraîner l’interdiction de nombreuses énergies alternatives, comme le Superéthanol E85, l’hybride électrique ou encore le GPL, qui – bien qu’elles utilisent de l’essence ou du diesel – affichent des émissions maîtrisées.
- La place de la voiture : la réforme ne s'attaque pas non plus au cœur du problème : la place de la voiture dans nos sociétés modernes. En effet, d'autres leviers doivent aussi être activés pour limiter efficacement les émissions du secteur du transport. On pense notamment au développement des transports en commun, à l'essor de la mobilité active (marche à pied, vélo, etc.) ou encore à une meilleure efficience de déplacement (augmentation du nombre de passagers par véhicule par exemple).
Sources : (1) ‘‘Ajustement à l’objectif 55’’: soutien du PE à l’objectif de zéro émission pour les voitures et les camionnettes en 2035 - Parlement européen - 2022 (2) Transports - Agence européenne pour l'environnement – 2020 (3) Baromètre national des infrastructures de recharge ouvertes au public - Avere France - 2022