Dans le cadre du Contrat stratégique de la filière Automobile, censé dessiner le futur du secteur, le gouvernement entendait multiplier par 5 les ventes de voitures électriques entre 2018 et 2022 (1). Alors que la date butoir approche, l'occasion nous est donnée de réaliser le bilan des immatriculations de véhicules électriques en France. Le verdict est d’ailleurs sans appel : malgré un engouement certain des automobilistes tricolores, l’objectif semble difficile à atteindre.
Voiture électrique : le paradoxe du marché français
Avec plus de 139 000 véhicules électriques en circulation en 2017, la France possédait déjà le premier parc de VE en Europe, et ce, loin devant l'Allemagne (84 974 véhicules) et le Royaume-Uni (54 046 véhicules), tandis que la Norvège s'emparait de la seconde place avec plus de 128 000 VE (1). Si le classement n’a guère évolué en l’espace de 4 ans, malgré l’essor des pays scandinaves, il cache une dure réalité : en proportion, l’Hexagone est loin d’être le premier pays européen « électrifié ».
Pour s’en apercevoir, il suffit de comparer la part de véhicules électriques et hybrides dans les ventes de voitures particulières. En 2020, les voitures propres représentaient près de 75 % des immatriculations en Norvège, 45 % en Islande et 32,2 % en Suède. À titre de comparaison, les véhicules électrifiés n’ont réalisé que 11,3 % des ventes neuves en France l'année dernière (2).
Des ventes de voitures électriques multipliées par 4,5
Si l'intérêt tout relatif des Français pour la voiture électrique est incontestable, la situation semble néanmoins évoluer rapidement. Pour preuve, le nombre d'immatriculations de VE a été multiplié par 4,5 entre 2017 et 2020, passant d'environ 25 000 à 111 000 unités vendues (3). Des résultats d’autant plus exceptionnels que, l’année dernière, l’épidémie de Covid-19 n’a pas été sans conséquence sur les ventes automobiles.
La bonne nouvelle, c'est que la tendance se poursuit en 2021, tendant à confirmer la volonté des Français de rouler plus propre : la moitié d’entre eux se déclare en effet prêt à acheter un véhicule électrique (4). Entre janvier et juillet, il s'est ainsi vendu plus de 72 000 voitures électriques neuves en France, contre seulement 45 000 unités sur la même période en 2020, soit une progression de plus de 60 % (5). De quoi espérer une année exceptionnelle, d'autant plus que la période la plus propice aux ventes est généralement décembre : 19 % des immatriculations de VE de 2020 ont été réalisées le dernier mois de l'année (3). Relativisons néanmoins. Si la part de l'électrique dans les immatriculations continue sa progression – elle est de 7,9 % sur les 6 premiers mois de 2021 –, elle reste encore marginale, tout particulièrement en comparaison des motorisations thermiques (diesel et essence) qui représentent toujours plus de 65 % des achats de voitures neuves (5).
Voitures électriques : un podium qui se redessine
Entre 2015 et 2020, la Renault Zoé a dominé le classement des ventes de véhicules électriques de la tête et des épaules, allant même jusqu’à s’accaparer à elle seule 60 % de part de marché. Pourtant, la citadine tricolore vient d’être détrônée par la Tesla Model 3 : l'Américaine s'est écoulée à plus de 13 000 exemplaires en 2020, soit environ 1 000 unités de plus que la Française (3). Un revirement auquel on pouvait s'attendre, la Renault Zoé étant produite déjà depuis 2012, et qui n'a pas manqué de faire réagir le constructeur, celui-ci ayant annoncé le remplacement de sa star par la future Renault R5.
Après avoir longtemps dynamisé le marché électrique en France, la Zoé fait face à une concurrence accrue depuis maintenant plusieurs années. Outre la Tesla Model 3, de nombreux modèles commencent à tirer leur épingle du jeu, à l'image de la Peugeot e-208 (10 000 immatriculations en 2020), de la Fiat 500e (5 500), de la Twingo Z.E. (4 900) ou encore des deux SUV électriques les plus vendus en France, à savoir le Kia e-Niro et la Peugeot e-2008. Autant de modèles qui continuent inexorablement de se rapprocher en ce début d'année 2020 (3).
Un marché qui devrait poursuivre sa progression
En toute logique, le marché des véhicules « propres » - et a fortiori des voitures électriques – devrait voir son développement s’accélérer encore un peu plus dans les années qui viennent. Pourquoi ? Tout simplement car c’est tout le secteur de l’automobile qui penche vers une électrification rapide, sous l’impulsion notamment des pouvoirs publics.
- L'interdiction du thermique : l’Europe prévoit d'interdire la vente de voitures essence et diesel à partir de 2040, voire même dès 2035 selon les dernières déclarations de la Commission européenne. Conscients de la menace, les constructeurs ne cessent de développer leur offre électrique, à l'image de Renault qui souhaite que 90 % de ses véhicules soient électrifiés dès 2030.
- Toujours plus de restrictions : les voitures avec les vignettes Crit'Air les moins vertueuses vont être, progressivement, interdites de circulation dans les grandes agglomérations. C'est d’ailleurs déjà le cas à Paris, où les véhicules Crit'Air 4, 5 et sans vignette ne peuvent plus rouler depuis le 1er juin dernier.
- Un malus plus dissuasif : d'un montant maximal de 30 000 € à l'heure actuelle, le malus écologique sur les voitures neuves polluantes va continuer à se durcir, limitant de plus en plus l'intérêt des véhicules thermiques. Son montant maximal pourrait ainsi passer à 50 000 € en 2023, tandis que la création d'un malus au poids pour 2022 est déjà actée.
- Le maintien des incitations fiscales : bien que les conditions d'obtention du bonus écologique et de la prime à la conversion 2021 se soient durcies au 1er juillet dernier, le gouvernement devrait maintenir ces aides afin d'inciter les automobilistes à passer aux véhicules hybrides et électriques. L'extension du bonus aux utilitaires et aux véhicules d'occasion en est d'ailleurs la preuve.
Sources :
(1) Contrat stratégique de la filière Automobile 2018-2022 - Conseil national de l'industrie - 2018
(2) Les pays qui mènent la course à la mobilité électrique - Statista - 2021
(3) Chiffres de vente & immatriculations de voitures électriques en France - Automobile Propre – 2021
(4) Déplacements quotidiens et respect de l'environnement : où en sont les Français de la décarbonation de leurs mobilités ? - Ipsos pour Vinci Autoroutes – 2021
(5) Le marché automobile français : Juin 2021 - CCFA – 2021